Voilà un peu plus d’un mois que nous sommes arrivés en Amérique du Sud. Le Chili, l’Ile de Pâques et maintenant l’Argentine nous apportent une certaine sérénité, une douceur de vivre que nous avons rarement eu jusque là. Si, bien sûr, en Australie, mais c’est pas pareil. La culture australienne est identique à la notre, tandis que nous découvrons totalement celle des latinos.
Dans cet article...
Ici, on a le temps de vivre, on prend le temps
On traine, on lézarde au soleil, on observe, les yeux mi clos, presque engourdis par cette atmosphère particulière. C’est tranquille et amusant à la fois. L’Argentine par exemple, c’est presque comme au cinéma, on s’installe, on s’assied, on s’extasie, on profite. Ici rien ne choque ou presque. Le cerveau est au repos.
Et ça, ça fait du bien. Et ça nous permet en même temps de nous replonger un peu dans ces mois passés. Trop vite. On aimerait les revivre, on fait le topo, on dissèque un peu notre aventure asiatique, on en reparle, on referait certaines choses autrement. Avec le recul, on comprend mieux ce qu’on ne comprenait pas alors que nous étions trop engagés.
Une chose est sûre, c’est que si nous devions y retourner, nous n’aurions pas les mêmes attentes, et donc certainement pas les même désillusions.
L’Asie, pour beaucoup, c’est l’Eldorado de l’Humanité perdue en Occident. C’est le lieu authentique à souhait, où l’être humain s’exprime de toute sa force et sa splendeur, dénué qu’il est des intérêts économiques et capitalistes de nos sociétés. C’est les pays du sourire, celui des enfants, celui des femmes. Les pays au 1001 couleurs, aux multiples odeurs. L’endroit où l’on guette le vieillard édenté qui nous tendra la main pour nous emmener gouter sa soupe dans sa cabane en terre.
Le vieillard, nous, on ne l’a pas trouvé.
Je crois que ce côté «authentique» a disparu de beaucoup d’endroits d’Asie. La Chine est en plein boum économique et pas mal de chinois sont bien plus riches que nous aujourd’hui. Dans les campagnes, on a bien croisé des vieilles édentées, mais quand elles nous tendaient la main, c’était plutôt pour nous demander des dollars… L’Indonésie, le Népal et le Sri Lanka resteront les lieux qui nous auront le plus émerveillés. Là, nous avons croisé toutes sortes de gens.
De ceux qui ont voulu nous extorquer des sommes folles à l’entrée du temple de Besakhi, à ceux qui se pliaient en quatre pour nous apporter le confort maximum sans accepter notre pourboire. Tout, il y avait de tout. L’Inde, c’est à part encore. Les femmes, les enfants, oui, ils sourient, et oui, ils sont plein de couleurs. Mais les femmes, là bas, je ne les envie pas. On s’est émerveillés quand les gamins nous souriaient à pleines dents lorsque nous étions au faux parc des oiseaux. Puis le sourire se fige et se crispe, à la vue de leurs vêtements déchirés, de leurs chaussures trop grandes. Moi ces gosses ils m’ont donné envie de chialer.
Alors pourquoi l’occidental s’émerveille t il devant ces images tant rêvées?
Parce que ces gosses, au moins, ils ne se plaignent pas ? Pas comme nos morveux qui cassent à tour de bras les playstation, les vélos, les poupées qu’on leur offre? Et alors quoi, je devrais rêver que mon gosse soit comme ces petits indiens, et qu’il s’estime heureux quand il trouvera un bout de ferraille et une ficelle avec lesquels il se construira un chariot ?
Je crois qu’on est tous un peu nostalgiques du temps où en effet, la société de consommation ne nous avait pas encore engloutis.
Je vois souvent sur Facebook circuler des textes rappelant combien notre enfance était riche parce que nous jouions dans la terre sans avoir peur de nous salir, nous faisions du vélo sans avoir peur de nous faire renverser, ou kidnapper, ou violer, ou tuer. Peut être est ce un peu cette société que nous recherchons à travers l’Asie que l’on s’invente «authentique»…
Mais faut il vraiment aller si loin pour retrouver cela, n’avons pas nous même les moyens de rétablir un peu d’équilibre, un peu d’humanité dans nos pays, au lieu de seulement en rêver à travers nos voyages? Pourquoi s’extasier devant le vieillard qui nous offre la soupe à 6000km de chez nous, alors que nous ne sommes bien souvent, nous même, pas présent pour notre voisin ? Pourquoi rêver devant ce gosse qui pousse son pneu de vélo tandis que nous cherchons sur internet le prix de la dernière console de jeux…?
Bref, si on devait retourner en Asie, on le ferait autrement, sans toutes ces attentes humanistes, quitte a avoir de temps à autre, des bonnes surprises. L’Asie, c’est beau, c’est merveilleux, mais pas pour les raisons que nous avions au départ.
C’est beau, parce que c’est le bordel.
C’est le bordel partout, tout le temps, même que parfois c’en est chiant. Mais ça vit. Ca vibre dans tous les sens, ça braille à tort et à travers. Ca fourmille, l’énergie qui circule dans ces pays est incroyable. Les gens sont pauvres, très pauvres, ça, ça fait mal aux tripes, on se sent mal en les croisant. C’est une autre dimension, où les valeurs ne sont pas les mêmes. Ou le travail n’a pas le même sens. Où l’être humain n’a pas la même place. Ici on travaille pour vivre, et faire vivre sa famille.
On s’en fout de vendre du carton, de lustrer des chaussures, de fabriquer des bijoux qu’on vendra sur la plage. Tout ce qu’il faut, c’est vivre, et nourrir les petits. On ne veut pas être «chef op», ou «responsable marketing», ni avoir des «actions» ou un «PEL», d’ailleurs on ne sait même pas ce que c’est tout ce bordel. Et quand on est là bas, nous aussi, on oublie tout ça. En y repensant, on se demande bien dans quel bordel on s’est foutu, avec notre vie de con, à toujours vouloir plus d’argent, plus de capital, plus de ci ou de ça.
Pourquoi faire, hein ?
Alors bien sûr, on imagine que l’Indonésien, il aimerait bien avoir ce souci d’évolution professionnel, ça voudrait dire que sa famille est à l’abri, et que les gosses vont pouvoir aller au moins jusqu’au collège.
On n’est pas assez cons pour imaginer qu’ils l’aiment, leur condition.
Non, ce qu’on en dit, c’est qu’il faut juste prendre un instantané de la scène, et se la revisualiser plus tard. C’est totalement égoïste, hein, mais ça peut peut être nous servir un jour à relativiser plein de choses… Peut être je dis bien, car j’ai bien peur qu’une fois rentrés, on se laisse vite re-entrainer dans la sinistrose de notre société et qu’on se remette rapidement à râler parce que le ticket de cinéma ou la bière ou les cigarettes ont encore augmenté…
L’Asie nous a fait vibrer, nous a nourrit, nous a choqués.
Je ne sais pas si on sera vraiment différents après, si on en gardera un enseignement, ou si on rangera ça avec nos souvenirs. Ce qui est sûr, c’est que tous ces pays qu’on a aimé et détesté chaque fois pour les mêmes raisons ne laissent pas indifférent. Je ne sais pas si on peut donner un conseil de voyageurs au sujet de ces pays.
Peut être d’y aller sans attente d’authenticité, car à moins d’y rester suffisamment longtemps, et de s’enfoncer dans les montagnes, ou les campagnes, il sera difficile d’échapper au racket incessant, au boum économique grandissant, à leur volonté d’être eux aussi dans la ronde capitaliste. Admirez, amusez vous, observez les vivre, observez leurs coutumes, bien différentes des nôtres, et même si vous ne les comprenez pas, goûtez à leur culture. Mais faites le en spectateur, sans attente égoïste, sans vouloir absolument créer ce lien dont vous rêviez tant…
Car c’est sans attente particulière que vous pourriez être surpris, justement.
10 comments
Comment by Titi
Titi 9 February 2013 at 16 h 55 min
Sans paroles!!!!
Comment by Nowmadz
Nowmadz 9 February 2013 at 20 h 53 min
Merci Tiziane, bacci!
Comment by Philippe
Philippe 9 February 2013 at 17 h 42 min
On aime bien aussi ces petits regards en arrière sur votre parcours.
Bien écrit encore une fois :)
Comment by stef
stef 9 February 2013 at 18 h 09 min
Non une fois revenus vous ne garderez pas que des souvenirs, en vous lisant on sent que vous avez appris une grande leçon d’humilité, notre passage sur terre est court, il faut savoir profiter de ce laps de temps pour vivre en harmonie avec nos convictions. Encore une fois ce récit est plein d’émotion, merci. Gros bisous.
Comment by Nowmadz
Nowmadz 9 February 2013 at 20 h 53 min
On espère… Ce qu’on a appris, et qu’on voudrait garder, c’est peut être aussi une nouvelle définition de l’ambition, celle au sens plus large que ce qu’on nous apprend dans nos pays où elle ne se prête bien souvent qu’aux côtés professionnels. L’ambition d’être heureux, tout simplement, pourquoi pas, hein? De profiter, de chercher les moments jolis au lieux de s’attarder sur les moches, de se donner les moyens aussi, de réaliser nos rêves, en évitant l’écueil de la facilité… On espère… Bisous!
Comment by Nico
Nico 9 February 2013 at 20 h 06 min
Très bel article Lydia.
Effectivement voyager sans attente est une bonne manière de voyager. Chercher l authenticité c est forcement la louper. À travers nos lectures, les images que l on voit à la télé, nous nous faisons une idée d’un pays et on calque cette idée sur la réalité même…un peu comme si on voyageait avec un voile devant les yeux. Et quand la situation ne colle pas a notre referentiel, on se met les mains devant les yeux et on peut s exclamer : qu ils sont beaux ces enfants plein de boue! J ose espérer que certains n ont pas cette peau de sauss devant les yeux. En fin de compte, n est ce pas notre mode de fonctionnement au quotidien? Comme tu dis sommes nous réellement présent à notre voisin? Disponible? Heu… faudrait qu il se grouille un peu! Termine ton blabla sinon je vais louper le debut du match! On n est pas en face de dédé mais en face de nos propres reflexions. Alors Qu est ce qu il se passe quand on commence à vivre sans histoires, sans schémas, sans fantasmes, sans anticipations…qu est ce qu il reste? Ça fait peur sûrement. C est le chaos, l inconnu. y a plus rien qui est bien ordonné. Les mots apparaissent mais ne forment plus de phrases on pourrait dire.le heros de notre scenario (alias bibi) s effrite.Mais le voile peut se lever…ouahhh. Comme dirait un grand philosophe, Sinclair dans la nouvelle star :”t étais dans ta tête, et ca, ca tue la musique!” Pas con…On voit bien dans vos textes et vos videos que vous voyagez de plus en plus comme ça et que vous quittez peu à peu votre tête pour rejoindre et habiter une région un peu plus en dessous…meme avec les beaufs francais qui parlent fort! Alors j ai envie de dire, de tout coeur les amis :-). On pense bien à vous. Bisous
Comment by Nowmadz
Nowmadz 9 February 2013 at 20 h 50 min
Merci Nico. Notre façon de voyager évolue en effet, et je pense qu’on est maintenant sur un bon rythme, en tous cas un rythme qui nous convient tout à fait. Pas facile de se mettre dans un tel voyage, il faut du temps pour s’enlever les oeillères, pour avancer sans préjugés. En démarrant par l’Asie on a pris un risque aussi, celui de devoir nous adapter à une nouvelle vie en même temps qu’à des situations totalement déroutantes. Si c’était à refaire peut être repartirait on de l’Amérique plutôt, pour arriver vers ce continent déstabilisant un peu plus préparés.. Va falloir qu’on reparte pour vérifier ça ;-) Bisous à vous!
Comment by Flo
Flo 17 February 2013 at 3 h 07 min
Très bel article avec maintenant, après quelques mois, un peu de distance.
J ai été parfois surprise de certains de vos articles sur l Asie , je percevais un regard tres noir : c est sur chacun a des goûts ,des attentes différents mais peut être un manque de recul. Je sais j ai eu le même ” syndrome” avec mon premier pays l Australie …
Mais n est ce pas un processus logique d avoir aussi de l ambivalence dans un début de voyage? Moi j avais choisit l Australie pour ne pas être trop dépaysée mais en fait ça ne m a pas convenue car j étais trop dans le même .
L Asie est définitivement un continent plein de contrastes ou le meilleur côtoie le pire le somptueux le sordide mais ce sont des pays et surtout des habitants qui ont touché mon cœur .
Après tout est bien loin d être rose mais ce qui moi est a prendre comme exemple ce sont la sérénité et la simplicité des gens. C est parfois ce qui me manque en france . En ce qui me concerne grand saut demain vers une nouvelle terre inconnue l Amérique du Sud . Bonne route . Flo.
Comment by Nowmadz
Nowmadz 17 February 2013 at 3 h 49 min
Bonjour Flo,
Tout d’abord, merci pour tes commentaires qui enrichissent toujours ce blog… L’Asie, oui, nous a fait réagir. Avec le recul, nous sommes aujourd’hui plus sereins. Mais nous avons toujours pris le parti de ne jamais écrire d’articles condescendants, ou “politiquement corrects”. Les chinois nous ont fait ch…, on l’a écrit. L’Inde nous a choqués, on l’a écrit, le Sri Lanka nous a émerveillés, on l’a écrit. L’Indonésie nous a reposés, on l’a écrit. Le Népal nous a fascinés, on l’a écrit… Toujours à chaud, sans retenue. Parce que c’est comme ça que nous l’avons vécu, avec nos tripes, et ce blog, pour nous, est le reflet de notre voyage, ce que nous relirons, plus tard, en revivant, à travers ces articles, les sentiments qui nous ont animés alors. L’Asie nous a marqués, oui, c’est certain. C’est définitivement un Monde à part, et nous sommes conscients de la chance que nous avons eu à pouvoir le découvrir… Avec le recul, on ferait peut être les choses autrement, ou peut être pas. Un tel voyage, c’est un peu comme un parcours initiatique, on n’en sort pas tels qu’on y est entrés. A moins d’être insensibles. L’Asie est choquante, troublante, et merveilleuse à la fois. On aimerait s’y replonger, ça c’est sûr. On s’y est brûlés une première fois, et ce ne sera pas la dernière. L’Asie, on s’y attache, c’est sûr, pour tout ce qu’on y ressent. Ces émotions qui nous font sentir…vivants!
L’Amérique, tu verras, c’est différent. Pas mieux, pas pire, différent. Autre chose, qui s’enchaine magnifiquement après quelques mois en Asie. On y découvre encore d’autres émotions. Enfin. Le Monde est merveilleux, je n’ai pas de mots pour exprimer la joie que l’on ressent à le découvrir chaque jour un peu plus… Bon voyage, la route est longue pour arriver jusqu’ici, mais tu verras, ça en vaut bien la peine aussi! Bises!
Comment by Web Trotters
Web Trotters 23 March 2014 at 11 h 31 min
J’aimerais réagir par rapport à ce que tu dis sur l’Indonésie.
Pour l’avoir vécu, c’est un pays hyper reposant, tu y es serein(e). Comme tu le dis aussi, les enfants font figure de modèle ! Ils sont heureux avec 3 fois rien,ça change des gamins chez nous qui pleurent parce qu’ils n’ont pas eu le dernier iMachin.
Merci pour ce moment d’évasion.